par le Père Michel Ouattara
Vicaire sur les paroisses Sainte-Geneviève et Notre-Dame du Perpétuel-Secours
Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras inaugurer ton règne.
Le Messie crucifié…
Une croix dressée, un homme suspendu, défiguré, injustement condamné, encadré par deux autres crucifiés à la réputation sulfureuse. Comme dans l’épisode du publicain et du pharisien montés au temple pour prier (Lc 18,9-14), l’un des malfaiteurs, arrogant, met Jésus au défi: “Si tu es le roi des Juifs, sauve-toi toi-même !”.
Mais il se trompe. À son doute sur l’identité messianique de Jésus se mêle une certaine ignorance sur la réalité même du salut qu’il semble réduire à un geste d’autosuffisance : se sauver soi-même. L’autre malfaiteur, pris de compassion, dans un geste d’humilité le reprend, confesse son indignité et sollicite un dernier recours : “Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras inaugurer ton règne”.
Si celui que nous appelons aujourd’hui le bon larron s’adresse ainsi à Jésus, c’est qu’il a pressenti que le crucifié irradiait la force même de Dieu et que le règne qu’il était venu inaugurer s’accomplissait là, sur la croix.
“Image du Dieu invisible, premier-né par rapport à toute créature” (Col 1, 15), le Christ nous introduit dans son Royaume, pourvu que nous acceptions de déposer devant lui toute suffisance et de vivre dans une confiance chaque jour renouvelée.
L’évangile du bon larron, qui s’achève sur la promesse du paradis, nous montre que le royaume commence déjà “aujourd’hui” : c’est de notre foi – autre mot pour dire confiance – rencontrant l’amour gratuit de Dieu que dépend notre avenir. Telle fut l’espérance des frères de Tibhirine, comme en témoigne Frère Christian de Chergé qui achève son testament en s’adressant à “l’ami de la dernière minute” : “Qu’il nous soit donné de nous retrouver, larrons heureux, en paradis, s’il plaît à Dieu, notre Père à tous deux”.